• La Paix est au bout des questions


J’ai lu avec beaucoup d’attention Histoire de l’autre, déjà présenté sur le site de Citrouille. Cet exposé “bi-oculaire” permet de percevoir la réalité des vécus des deux principales composantes, populations confrontées à cette guerre de conquête pour l’une, de résistance pour l’autre.
Cet ouvrage représente un travail remarquable et dans l’ensemble historiquement juste, pensé pour permettre à l’autre de lire son histoire; ma grande question : le fera-t-il ? Acceptera-t-il cette lecture de son histoire ? Je remarque la très grande honnêteté du texte israélien; la société israélienne pourra-t-elle l’entendre ?
Ce livre est utile. Il va permettre d’entrer dans la perception du conflit qui a éclaté en 1948, et qui se poursuit depuis sans interruption - conflit dont l’origine remonte à l’an 70 av. JC. Mais il est insuffisant pour le comprendre - pour les Israéliens eux-mêmes. Il présente par exemple Théodore Herzl comme le père du sionisme. Mais si on lit la biographie que lui a consacré Serge-Allain Rozenblum (éd. du Félin), on comprend que ce sionisme n’est pas celui en action en Israêl. Autre glissement de vocabulaire : Tsahal, terme toujours utilisé, désigne une armée qui fait la guerre; mais la guerre à qui ? A des terroristes, des combattants ou des résistants ? On ne doit pas fuir le sens des mots…
Je me réjouirai si ce livre donne envie d’en savoir plus sur ces deux peuples qui souffrent dans l’impasse de la violence et du sang versé. Savoir non pour juger, mais pour poser des questions encore et encore. La Paix est au bout des questions.



Je voudrais ici, sur ce sujet, parler d’un autre livre : Soliman le pacifique, de Véronique Massenot .
Soliman est palestinien. Sa famille, d’origine arabe israélienne, a été contrainte de vivre en Cisjordanie. Durant la première intifada son grand frère, son idole, a été tué. Sept années plus tard Soliman commence un journal auquel il confie ses questions sur la vie et sur son quotidien dans les “territoires”’: la deuxième intifada a commencé et avec elle le retour des chars et de la répression.
Sa grand-mère, avec laquelle il a une relation très riche et profonde, lui montre en quoi la violence est destructrice; il lui a promis de ne jamais chercher la vengeance. Face à la violence qui l’entoure, face à la peur, face aux silences des siens enfermés dans leur souffrance, face aux désespoirs des uns et des autres, Soliman choisit son chemin : celui de l’écriture pour “témoigner”, dit la 4e de couverture.
En réalité, il écrit pour essayer de comprendre, pour poser devant soi ce qui rend la vie intolérable, pour prendre de la distance et chercher du sens, pour ouvrir une porte et laisser entrer l’espoir.
En revanche, l’auteur témoigne bien, elle, avec son texte, de ce qui se vit au quotidien en terre israelo-palestinienne, chaque matin jusqu’au soir, et parfois la nuit aussi, à Gaza, Jénine, Kalkilya, Jeriko, Aboudis… La liste est longue. Merci à Véronique Massenot pour ce pacifique Soliman.


Jean-Claude Ponsgen, librairie Le Liseron


Mis en ligne: Mar. - Juillet 6, 2004
» Réagir à cet article